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Publié le par presencesud

 

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               Fin des régimes spéciaux
        tout le monde sera perdant

                           Un article de Luc Peillon sur Agoravox


L’égalitarisme justifiant la fin de ces dispositifs de retraites est trompeur.Il pourrait préparer demain d’autres reculs pour le monde du travail


Halim se lève chaque nuit à 3 heures du matin pour une prise de service à 4h10, encaisse insultes de passagers et menaces d’automobilistes : il est chauffeur de bus à la RATP.

Christian, une semaine sur quatre, peut être appelé à toute heure du soir ou de la nuit, après ses heures de travail, pour une urgence à la centrale nucléaire : il est agent EDF à Nogent-sur-Seine.

Philippe ne voit jamais sa femme ni ses enfants. Il travaille tous les week-ends et jours fériés, Noël et réveillons inclus. Une semaine sur deux, il finit à minuit tous les soirs : il est machiniste à la Comédie-Française.


Ces trois salariés, à la rémunération avoisinant en milieu de carrière les 1400 euros nets, ont un autre point commun : ils relèvent tous trois d’un régime de retraire particulier, les fameux régimes spéciaux.
Parce que leur travail est pénible, qu’il empiète sur leur vie privée, et que les salaires sont plus que modestes, ces salariés, à la signature de leur contrat, se sont vu attribuer une compensation : pouvoir cesser de façon anticipée leur activité professionnelle.



"Justifiée ? Oui", considéreront la plupart des Français, s’il ne leur est pas demandé de comparer avec d’autres métiers.
Mais pourquoi pas les autres ? Pourquoi les caissières, les ouvriers en 3x8, les précaires de centres d’appels, les travailleurs de nuit ne bénéficieraient-ils pas d’un régime particulier ?
Que justifie cette différence de traitement ? Des « acquis historiques » ? Des « privilèges injustifiés » ?


Rien, en effet, ne permet d’entretenir cette « inégalité ».
Et pourtant.
En acceptant la fin des régimes spéciaux, les Français tournent une page du progrès social.
En acceptant que le nivellement des conditions de travail se fasse par le bas, la France reconnaît la victoire du libéralisme.
En acceptant la chute du dernier bastion de compensations de la pénibilité professionnelle, les Français se jettent dans la gueule du « moins disant » social.
Le dernier élément de comparaison, la dernière référence permettant, un jour - désormais devenu improbable -, de considérer que les autres professions pénibles puissent bénéficier de compensations, disparaît.
Tout le monde est désormais sur un même pied d’égalité, celui du pire.

Au lieu de conserver une référence, un modèle de compromis social, qui aurait pu servir de levier à l’amélioration des conditions de travail d’autres professions, sous la forme d’un départ anticipé ou de tout autre aménagement, les libéraux ont préféré  supprimer (et ils y ont réussi) tout élément de comparaison, tout « village gaulois » qui un jour aurait pu entraîner d’autres revendications sociales.

Ce ne sont donc pas que les bénéficiaires des régimes spéciaux qui ont perdu aujourd’hui, mais bien tous les Français aux conditions de travail dégradées, et tous ceux que l’on précarisera un peu plus encore dans le futur sous prétexte d’égalitarisme.
Jamais, par contre, n’est considéré comme privilégié le cadre dirigeant gavé de stock-options, jamais comparaison n’est faite avec les grosses fortunes désormais défiscalisées ou les « héritiers » aux droits de succession quasi supprimés.

Le discours dominant a payé : les « privilégiés » réveillés au milieu de la nuit pour 1 400 euros mensuels ne le sont plus. 
La France à coup sûr ira mieux demain. Et plus rien ne s’oppose désormais à la précarisation plus importante encore du reste de la population active. 
Les références disparaissent. 
A qui le tour ?
 A l’ouvrier qui voit sa pause de 20 minutes rémunérée ? Au travail de week-end majoré ? Au tickets-restaurants ? Aux congés payés ? A la couverture maladie ? Quand la dérive s’arrêtera-t-elle ? Une des dernières digues sociales vient de s’écrouler.
 Mais nul ne devrait s’en féliciter.
Luc Peillon
 



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